Dans notre Dictionnaire québécois instantané (2004), il était longuement question du modèle québécois, ce syntagme ô combien figé de la langue médiatique provinciale. Et aujourd’hui ?
C’était, selon l’Oreille tendue et son complice, la grande question du nouveau millénaire : «Exit le modèle québécois ?» (la Presse, 24 février 2003); «Un modèle à revoir ?» (la Presse, 14 juin 2003). Elle reste de mise : «Le modèle québécois tient-il encore la route ?» (la Presse, 27 novembre 2004, p. A33); «Allégé ou pas, le modèle québécois ?» (la Presse, 11 novembre 2010, cahier Affaires, p. 8); «Et si le modèle québécois était relégué aux oubliettes ?» (le Devoir, 1er et 2 mai 2010, p. I1). Il est vrai que ce modèle n’est pas sans risque : «Le modèle québécois rendrait les petits agressifs et anxieux» (la Presse, 2 février 2006, p. A1).
Plusieurs ne l’aimaient pas / plus. Les gens d’affaires : «Les manufacturiers du Québec souhaitent une révision du modèle québécois» (la Presse, 4 mai 2001). Le gouvernement libéral élu en avril 2003 : «Charest annonce un tout nouveau modèle québécois» (la Presse, 30 avril 2003); «Les libéraux réviseront le modèle québécois» (le Devoir, 17-18 mai 2003). La liste s’est allongée et des menaces planeraient sur lui : «Pour en finir avec le modèle québécois» (la Presse, 23 octobre 2010, cahier Plus, p. 8); «Le modèle québécois est menacé, estime le Bloc» (la Presse, 29 janvier 2010, p. A8). On monte même «À l’assaut du modèle québécois» (le Devoir, 31 mars 2010, p. A1).
L’expression continue à s’appliquer à toutes sortes de domaines. Marijuana : «Mari : Cauchon refuse le modèle québécois» (la Presse, 4 juin 2003). Culture : «En culture, le modèle québécois ne convient plus» (le Devoir, 28 février 2003). Théâtre : «Théâtre : remise en question du “modèle québécois”» (le Devoir, 29 janvier 2003). Commerce : Le commerce électronique. Y a-t-il un modèle québécois ? (Jean-Paul Lafrance et Pierre Brouillard, 2002). Gestion des immigrants : «Le modèle québécois d’intégration culturelle est à préserver» (le Devoir, 17 mai 2004, p. A7). Sport : «Constat d’échec pour le modèle sportif québécois» (la Presse, 21 décembre 2007, p. A16). Équitation : «le modèle québécois en matière d’initiation au cheval et à l’équitation» (la Presse, 29 mai 2004, p. A15). École : «le modèle québécois d’enseignement de la lecture» (la Presse, 1er septembre 2004, p. A19). Politique : Justice, démocratie et prospérité. L’avenir du modèle québécois (Michel Venne, 2003).
Existerait aussi en ontarien et en canadien, mais ça se discute. À Ottawa : «On ne se rend pas toujours compte qu’il existe un modèle canadien» (la Presse, 30 décembre 2000); «Un modèle canadien ?» (la Presse, 16 septembre 2002); «Le modèle canadien de Kymlicka» (le Devoir, 19-20 juillet 2003); «LE modèle canadien» (la Presse, 10 novembre 2007, cahier Plus, p. 4); «Le ministre français de la Réforme de l’État vient s’inspirer du modèle canadien» (le Devoir, 30-31 octobre 2004, p. A8); «Harper vante le “modèle canadien”» (la Presse, 22 septembre 2011, cahier Affaires, p. 6). À Toronto : «Le Québec s’intéresse au modèle ontarien» (la Presse, 10 novembre 2004, p. A3); «Le modèle ontarien ?» (la Presse, 21 mai 2004, p. A19); «Le modèle ontarien» (le Devoir, 19 mars 2007, p. A3); «Budget ontarien. L’autre modèle» (le Devoir, 29 mars 2010, p. A8).
S’exportait (a beau mentir qui vient de loin) : «Le “modèle québécois” intrigue le Maghreb» (le Devoir, 22 mai 2002); «Claude Blanchet vend le modèle québécois aux Brésiliens» (la Presse, 25 novembre 2003); «Le modèle québécois inspire le Mexique» (le Devoir, 29 novembre 2003). Ça ne se dément pas : «Ségolène Royal s’intéresse au modèle québécois» (la Presse, 18 septembre 2007, p. A24); «La Belgique tentée par le modèle québécois» (la Presse, 22 octobre 2009, p. A20); «Webtélé. Le modèle québécois plaît aux Français» (la Presse, 29 septembre 2010, cahier Arts et spectacles, p. 5). Le mot d’ordre est même lancé : «Salaires et inégalités : exportons le modèle québécois» (Métro, 18 août 2011); «Exporter le modèle québécois» (le Devoir, 5-6 février 2005, p. G4).
Quand le Québec ne suffit plus, on regarde ailleurs : «le modèle allemand» (la Presse, 4 septembre 2009, p. A14, et Predazzi et Vannuccini, p. 236); «Le modèle britannique qui inspire Ottawa a déjà du plomb dans l’aile» (le Devoir, 12 août 209, p. A3); «Grosse semaine pour… Le modèle irlandais» (la Presse, 11 décembre 2004, cahier Actuel, p. 3); «La fin du modèle néerlandais» (la Presse, 19 juin 2005, cahier Plus, p. 5); «Le modèle suédois» (la Presse, 25 janvier 2011, cahier Arts et spectacles», p. 2). Pour la Belgique, tout le monde n’est pas d’accord : «Le modèle belge» (le Devoir, 19-20 juin 2010, p. E3); «Le modèle belge ? Non merci !» (la Presse, 26 octobre 2004, p. A21).
Le modèle (québécois) est-il devenu un modèle ? Une chose est sûre : moins on le définit, plus on peut l’utiliser à toutes les sauces.
P.-S. — Un synonyme ? Bien sûr : «Appliquer la recette québécoise» (la Presse, 10 juin 2005, cahier Affaires, p. 5).
Références
Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.
Predazzi, Francesca et Vanna Vannuccini, Petit voyage dans l’âme allemande, Paris, Grasset, 2007, 239 p. Traduction de Nathalie Bauer. Édition originale : 2004.
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