I. Le mot
Soit les phrases suivantes.
«Les cabinets extérieurs étaient un peu isolés, sur une petite butte derrière la grange» (le Sauveur, p. 20).
«Sur le chemin des toilettes extérieures, il étudia les traces, en essayant de se souvenir s’il avait neigé depuis dimanche matin» (le Sauveur, p. 555).
«Il s’était faufilé dans la bécosse des filles et avait enfoui profondément plusieurs pétards sous le siège» (le Fantôme de la coupe Stanley, p. 113).
Soit cette photo.
Dans les quatre cas, il s’agit de la même chose, en sec ou en chimique, de façon permanente ou temporaire : des endroits où évacuer (presque) dans la nature.
Bécosse, qu’on emploie au singulier comme au pluriel, est propre au Québec. Définition de la Base de données lexicographiques panfrancophone : «Fam. Cabinet d’aisances autrefois situé à l’extérieur, en retrait de la maison, et qu’on installe encore en milieu naturel (en forêt, à la campagne). – (Par plaisant.). Tout cabinet d’aisances, dans une maison, un édifice public, une école, etc.»
On dit habituellement que le mot viendrait de l’anglais back-house.
II. Une expression
La Base de données lexicographiques panfrancophone donne comme «ironique et vieillie» l’expression «boss des bécosses» : «Celui qui veut tout contrôler, tout dominer (dans une famille, un groupe).»
«Vieillie» ? Ce ne serait pas la position de Jean-Philippe Martel, qui utilise l’expression dans son roman Comme des sentinelles (2012, p. 96).
P.-S. — Ce n’est pas la première fois que l’Oreille tendue parle bécosse(s); voir ici.
[Complément du 12 novembre 2012]
Devant cette photo, on ne peut que se poser la même question que @DanBigras : «Pourquoi?!?» (Merci à @PimpetteDunoyer pour le lien.)
[Complément du 28 août 2017]
Tout le monde n’apprécie pas le mot bécosses. C’est le cas d’un des personnages du roman la Traversée de la ville (2008) de Michel Tremblay : «J’srai jamais capable de dire ça ! Ce mot-là est ben que trop laid ! Bécosses ! Hé que c’est laid !» (éd. de 2017, p. 307)
[Complément du 20 septembre 2018]
On pourrait même voyager en bécosse(s), d’où l’expression «bus des bécosses». Détails ici.
[Complément du 5 janvier 2022]
En Belgique ? «Les moins jeunes des francophones de Belgique, du grand-duché de Luxembourg et même du Nord de la France ont encore employé la locution aujourd’hui vieillie aller à la cour, en référence à l’endroit où se trouvaient naguère les lieux d’aisances» (Michel Francard, «De cabinet à binoche, par le petit bout de la lunette», le Soir [Bruxelles], 20 novembre 2021).
[Complément du 6 mars 2024]
Dans un poème de jeunesse, cité par Jonathan Livernois, Gérald Godin fait rimer «bécosse» avec «atroce» (p. 61).
Références
Livernois, Jonathan, Godin, Montréal, Lux éditeur, coll. «Mémoire des Amériques», 2023, 536 p. Ill. Préface de Ruba Ghazal.
MacGregor, Roy, le Fantôme de la coupe Stanley, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 11, 2007, 156 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2000.
Martel, Jean-Philippe, Comme des sentinelles. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 177 p.
Nesbø, Jo, le Sauveur. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 552, 2012, 669 p. Traduction d’Alex Fouillet. Édition originale : 2005.
Tremblay, Michel, la Traversée de la ville, dans la Diaspora des Desrosiers, préface de Pierre Filion, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p., p. 193-330. Édition originale : 2008.
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Pourquoi ? Probablement une question d’hygiène. Si un siège est souillé, l’autre (et donc la cabine) reste utilisable. Dans bien des cas l’achalandage dépasse largement la fréquence d’entretien.