L’Oreille tendue est de celles qui peuvent dormir partout : en voiture, sur la chaise du dentiste, au théâtre — voire dans son lit. Pour elle, le sommeil est généralement réparateur.
C’est à cela qu’elle pensait devant cette publicité du métro de Montréal :
Le personnage en robe de chambre, contrairement à l’Oreille, a manifestement passé une mauvaise nuit : il a dormi sur la corde à linge. La preuve : le matin venu, il y est encore accroché, le café à la main, l’air peu fringant.
On lui souhaite de connaître de meilleurs dodos, et, surtout, bien sûr, que la «literie biologique» y contribue.
[Complément du 22 septembre 2017]
Exemple romanesque emprunté au Michel Tremblay de la Grande Mêlée (2011) :
Elles n’avaient pas vieilli d’un seul jour alors que lui, il en était conscient, s’était détérioré au fil des années à cause des abus qu’il avait infligés à son corps — la boisson, d’innombrables nuits sur la corde à linge, les femmes faciles, le laudanum et même un peu d’absinthe, le poison des poètes, en fait tout ce que la grande ville peut offrir à un homme qui souffre et qui veut oublier (éd. de 2017, p. 673).
[Complément du 29 mai 2020]
Hypothèse étymologique :
Ma grand-mère disait que l’expression “dormir sur la corde à linge” venait des dortoirs à 5¢ pendant la crise de 1929. On y dormait assis sur un banc en s’appuyant sur une corde qui était retirée au matin. pic.twitter.com/qNxX5yMaC7
— Gilles Desjardins (@desjardinsg) May 29, 2020
[Complément du 19 septembre 2020]
Dès 1904, pourtant, sous la plume de Rodolphe Girard, dans le roman Marie Calumet, on pouvait lire : «Ne m’en parle pas. Je me sens les cheveux à pic comme des clous, et les côtes sur le long comme si j’avais dormi sur la corde à linge» (éd. de 2020, p. 33).
Références
Girard, Rodolphe, Marie Calumet. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 142, 2020, 305 p. Édition, postface & chronologie par Jean-Philippe Chabot. Édition originale : 1904.
Tremblay, Michel, la Grande Mêlée, dans la Diaspora des Desrosiers, préface de Pierre Filion, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p., p. 659-836. Édition originale : 2011.
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En parlant de «meilleurs dodos», une expression a cours au Québec, celle de «compter les dodos».
Par exemple, dans Le Soleil du 27 novembre 2015 à la page 26 : « Les fans d’IKEA peuvent compter les dodos ».
C’est évidemment une façon de présenter le nombre de jours restant avant un événement, lorsqu’on s’adresse à de très jeunes enfants qui n’ont pas encore assimilé la notion de jour : grand-papa et grand-maman vont venir nous voir dans 4 dodos.
Pour ce qui est de compter les dodos au premier degré, c’est peine perdue puisque de dronte mauricien s’est éteint il y a des lunes.
Autre exemple du mot «dodo» utilisé ici pour signifier jour : dans la pièce de théâtre de François Archambault qui est intitulée « Tu te souviendras de moi » et qui est actuellement en tournée au Québec, le personnage principal, joué par Guy Nadon, est un professeur d’université qui vit une retraite difficile parce qu’il se rend compte que sa mémoire l’abandonne. On commence, entre autres, à lui parler comme à un enfant. Ainsi, lorsqu’il s’inquiète de l’absence de sa femme, le conjoint de sa fille lui dit : «Madeleine va revenir dans deux dodos».