Que célèbre-t-on en ce 24 juin, fête de la Saint-Jean-Baptiste et fête nationale, dans la Belle Province ? Ce qui est d’ici : la «Beauté d’ici» (la Presse, 22 juin 2001, cahier Arts et spectacles, p. 8), la «science d’ici» (publicité de Télé-Québec, la Presse, 4 janvier 2011, p. A2), le «fromage suisse d’ici» (publicité, novembre 2006) — bref, les «gens d’ici» («C’est dans les chansons», chanson de Jean Lapointe).
Est-il difficile de décrire, à la télévision, un match de basket en espagnol ? Si, affirme le Wall Street Journal du 8 juin, exemples à l’appui. (Merci à l’antenne québéco-angeleno de l’Oreille tendue.)
Existe-t-il un «lexique bio» ? Oui, comme le démontre Éric Chevillard sur l’Autofictif en date du 23 juin, s’agissant de galettes «à la farine de blé de meule».
Quelqu’un a-t-il pensé à établir un «Lexique des idées reçues littéraires» dans la France d’aujourd’hui ? Oui, et ça fait mouche : l’Empire des signes, le 22 juin.
Faut-il soigner sa typographie en distinguant bien les minuscules des majuscules ? Oui, sinon on risque de confondre, comme dans les Corpuscules de Krause de Sandra Gordon (2010), un «club optimiste des Basses-Laurentides» (p. 170) et un «club Optimiste des Basses-Laurentides», par exemple celui de Saint-Antoine.
Le Web offre-t-il des outils utiles pour la rédaction de discours politiques ? Oui, notamment le Générateur de langue de bois, conçu pour la présidentielle française de 2007, mais toujours d’actualité pour celle de l’année prochaine.
Quelqu’un a-t-il essayé, d’un point de vue sociolinguistique, de décrire «la norme grammaticale du français parlé» des élites du Québec ? Oui, Davy Bigot, dans le premier numéro d’une nouvelle revue numérique, Arborescences : revue d’études françaises. Sa conclusion ? «[Les] membres des élites sociale et culturelle du Québec emploient de façon homogène [en situation de communication formelle] un modèle grammatical oral très proche de celui présenté dans Le bon usage (donc de l’écrit).» Cette conclusion rejoint celle de Marie-Éva de Villers, qui s’intéressait dans son livre de 2005 au lexique québécois; on s’étonne d’autant de ne pas voir ce livre dans la bibliographie de l’article de Bigot. (En matière de français québécois, on préférera cet article à celui de Denyse Delcourt paru en 2006, qui est moins bien informé.)
Références
Bigot, Davy, «De la norme grammaticale du français parlé au Québec», article numérique, Arborescences : revue d’études françaises, 1, 2011. https://doi.org/10.7202/1001939ar
Delcourt, Denyse, «“Parler mal” au Québec», article numérique, Mondesfrancophones.com. Revue mondiale des francophonies, 4 avril 2006. http://mondesfrancophones.com/espaces/langues/parler-quebec/
Gordon, Sandra, les Corpuscules de Krause. Roman, Montréal, Leméac, 2010, 237 p.
Villers, Marie-Éva de, le Vif Désir de durer. Illustration de la norme réelle du français québécois, Montréal, Québec Amérique, 2005, 347 p. Ill.
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C’est important un club optimisme ! Faut un « o » majuscule pour bien maximiser l’impression d’optimisme . Et on enchaîne avec le Club, un grand club…. !!!
Un « modèle grammatical » oral proche du Bon usage? Ceux qui ajoutent des sous-titres français aux émissions québécoises qui passent à TV5Monde (version USA, du moins) ne seraient pas nécessairement d’accord. Passons sur les expressions du genre « en chriss », systématiquement supprimées ou modifiées. Mais quand « Comment tu sais ça? » devient « Comment tu le sais? », et « Qu’est-ce qui va arriver? » devient « Qu’est-ce qui va se passer? », on se demande si le modèle avec lequel ils travaillent est le même que celui des linguistes.
Le problème que vous soulevez dans votre intervention est bien réel. Parfois, il est effectivement nécessaire de mettre des sous-titres, afin que tout le monde puisse comprendre la personne. Cependant, ce problème n’est pas nécessairement en rapport avec la norme du français québécois. Je m’explique. Lorsque certaines parties de reportages diffusés sur TV5 (ou même sur certaines chaînes françaises, suisses, etc.) nécessitent d’être sous-titrées, c’est parce que la personne ne parle justement pas « la norme » (québécoise, française, belges… peu importe). En d’autres mots, la même chose peut arriver lorsqu’une personne venant du sud de la France (ou du nord comme en Picardie) parle dans un français vernaculaire (c’est-à-dire familier) et donc, parfois très éloigné de LA NORME (Le bon français, si vous voulez). Le fait est qu’au Québec, le bon français québécois est très proche de celui du reste de la francophonie (ce sont les conclusions de ma thèse de doctorat basée sur une étude de corpus de 110 entrevues), mais que ce n’est pas celui qu’on entend systématiquement à la télévision lorsque des Québécois (ou des Français, ou des Belges, etc.) interviennent. Il est donc parfois normal de devoir sous-titrer, car le vernaculaire peut s’éloigner de façon spectaculaire de la norme. J’espère que cela vous aidera à mieux comprendre le problème de la norme linguistique au Québec (et en général).
À propos « d’ici »… Vu aujourd’hui dans le métro : « Soutenez les prostates d’ici », nouveau slogan de l’organisme Procure dédié à la lutte contre le cancer de la prostate. Le logo ? Un « jockstrap » orné d’une fleur de lys.