Soit les deux phrases suivantes.
«Bon, Landquist vient de s’enfarger dans le juge de ligne, maudit sacrament de gnochon, pardonnez-moi mon Père» (William S. Messier, Townships, p. 38).
«Il a un sourire un peu niochon» (Éric McComber, la Solde, p. 137).
Laissons de côté le fait, pour Landquist, d’avoir trébuché («s’enfarger») à cause d’un officiel («juge de ligne»); les amateurs de hockey savent que cela ne se fait pas. Laissons aussi de côté ce «sacrament», juron d’inspiration religieuse (sacrement), comme il y en a tant au Québec. Concentrons-nous sur le gnochon / niochon, ces deux mots, nom ou adjectif, renvoyant à la même réalité : le peu doué.
Dans la Belle Province, l’échelle de la bêtise est d’une grande subtilité. Comment distinguer l’épais du moron, le nono du tarla, le toton du twit, le deux de pique du ti-coune et du niaiseux — et tous ceux-là du gnochon / niochon ? Comme c’est si souvent le cas en matière de langue, l’unanimité serait difficile à obtenir sur pareille hiérarchie de la nigauderie.
À titre d’hypothèse, l’Oreille tendue postule que, dans la litanie des tarés, seul moron est rédhibitoire. Il est possible de trouver des circonstances atténuantes à l’épais, au nono, au tarla, au toton, au twit, au deux de pique, au ti-coune, au niaiseux et au gnochon / niochon. Le moron n’en a jamais : sa bêtise est profonde, et incorrigible.
P.-S. — La féminisation de ces qualificatifs est complexe. Deux de pique et ti-coune sont épicènes. C’est probablement le cas aussi pour tarla et twit, encore que les attestations soient rares (une twit ?). Nono et toton ne sont pas épicènes et, sauf erreur, n’ont pas de forme féminine. D’autres mots construisent leur féminin sur les modèles connus : épais / épaisse, moron / moronne, niaiseux / niaiseuse, gnochon / gnochonne, niochon / niochonne. Ça fait désordre.
[Complément du 25 août 2013]
«Tu as fait le niochon hier soir», écrit Hector Berthelot dans ses Mystères de Montréal à la fin du XIXe siècle.
[Complément du 6 janvier 2017]
La graphie morron paraît plus rare. On la trouve néanmoins dans le premier tome de la série Malphas, de Patrick Senécal, en 2011 : «J’aime pas parler dans le dos du monde, même si j’haïs une couple de morrons qui travaillent avec moi […]» (p. 75).
[Complément du 3 octobre 2017]
Parent du ti-coune, le ti-clin n’est pas plus élevé sur l’échelle. Exemple : «Un candidat aux élections municipales à Gatineau préfère une cabane à sucre à une bibliothèque. Méchant ti-clin !»
Références
Berthelot, Hector, les Mystères de Montréal par M. Ladébauche. Roman de mœurs, Québec, Nota bene, coll. «Poche», 34, 2013, 292 p. Ill. Texte établi et annoté par Micheline Cambron. Préface de Gilles Marcotte.
McComber, Éric, la Solde. Roman, Montréal, La mèche, 2011, 218 p. Ill.
Messier, William S., Townships. Récits d’origine, Montréal, Marchands de feuilles, 2009, 111 p.
Senécal, Patrick, Malphas 1. Le cas des casiers carnassiers, Québec, Alire, coll. «GF», 16, 2011, 337 p.
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Déjà entendu « Tarlatte »… mais c’est très laid
« Nounounne » n’est-il pas le féminin attesté de Nono?
Une tarla ou une tarlatte ? Les deux se disent, en effet.
Nounoune pour nono au féminin ? Il semble à l’Oreille tendue que le mot s’indexe plutôt sur la série guidoune / pitoune / poupoune / coucoune / toutoune / etc., mais elle n’en mettrait pas sa main au feu.
De deux nonos, si l’un d’eux est une femme, je dirai d’elle sans hésiter qu’elle est nounoune.
Mais s’il s’agit de deux tarlas, je dirai de la femme qu’elle est tarlaise.
Il est vrai qu’il y a compétition entre tarla et tarlais.
Une twit ça sonne faux, où à tout le moins, un peu fabriqué.
Faut rajouter un adjectif.
Une crisse de twit sonne déjà mieux.
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Chic blog! Je repasserai!
À votre liste de peu doués, les deux de pique, épais, gnochons-niochons, morons, niaiseux, nonos, tarlas, ti-counes, totons et twits, n’avez-vous pas oublié d’ajouter les «zarzas» ? Il me semble qu’ils pourraient être aussi membres de la confrérie.
Cependant, je n’ai jamais vu ce mot au féminin, mais on pourrait imaginer zarzaise, comme tarlaise plus haut, non ?
Me semble-t-il avoir déjà entendu des étudiants des Beaux-Arts se qualifier eux-mêmes, par autodérision, de beaux-zarzais et de beaux-zarzaises.