Pas plus tard que la semaine dernière, l’Oreille tendue twittait ceci : «Mon fils de 11 ans vient de dire “du coup”. Je pense à le déshériter.» Réponse, sibylline pour certains, de François Bon : «coudonc…».
Coudon(c), donc.
La graphie n’est pas fixée. Au «coudonc» de l’ami François ou de @Dutrizac répondent le «coup donc» de Sylvain Hotte (Attaquant de puissance, p. 218) et le «coudon» de Réjean Ducharme (Dévadé, p. 44) ou de Marc Beaudet et Luc Boily (Gangs de rue, p. 17).
@machinaecrire en propose l’origine suivante : «Principe d’économie : “Écoute donc” devient “‘cout’donc” devient “coudonc” devient “coudon”. Ah bin, coudon.» Il rejoint par là le Dictionnaire de la langue québécoise (1980) de Léandre Bergeron (p. 151), qui choisit la graphie coudon.
Quel est le sens de cette interjection ? Ce n’est pas plus simple. Voici au moins deux possibilités.
Elle marque l’exaspération : Où t’a mis l’aide maritale, coudon !?
Elle peut clore une discussion, faute d’argument à opposer à son interlocuteur : Il a marié sa sœur ?! Coudonc…
Il existe aussi un usage vaguement interrogatif.
Coudon(c), è don ben bruyante, ton aide maritale ?!
On l’aura compris : le c final ne se prononce habituellement pas.
[Complément du 27 octobre 2014]
Un linguiste était bien sûr déjà passé par là :
Laurendeau, Paul, «Description du marqueur d’opérations coudon dans le cadre d’une théorie énonciative», Revue québécoise de linguistique, 15, 1, 1985, p. 79-116. https://doi.org/10.7202/602550ar
Merci à Dominique Garand pour le lien.
[Complément du 2 novembre 2018]
L’Oreille ne connaissait pas la graphie ‘coudonc (avec apostrophe inversée initiale). Elle la découvre dans le plus récent recueil de «récits» de Michel Tremblay, Vingt-trois secrets bien gardés (p. 45, p. 70, p. 91).
[Complément du 26 mars 2019]
Dès 1937, la brochure le Bon Parler français déplorait la réduction de «Écoute donc» à «Coudon» (p. 10).
Références
Beaudet, Marc et Luc Boily, Gangs de rue. Les Rouges contre les Bleus, Brossard, Un monde différent, 2011, 49 p. Bande dessinée.
Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.
Le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p.
Ducharme, Réjean, Dévadé. Roman, Paris et Montréal, Gallimard et Lacombe, 1990, 257 p.
Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.
Tremblay, Michel, Vingt-trois secrets bien gardés. Récits, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 2018, 106 p.
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Il me semble que Foglia s’en servait volontiers une fois de temps en temps. Peut-être qu’il a contribué à sa légitimité (celle de l’expression).
http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/pierre-foglia/201303/12/01-4630072-salut-magelle.php
Jacques Desrosiers
Oui. Vous avez vu juste.
Voici une légère variante : cou’donc, dans les commentaires d’un lecteur du Devoir (http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/475396/tragedie-aerienne-aux-iles-vitesse-elevee-avant-l-ecrasement-d-avion).