(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
En 1933, Claude-Henri Grignon publie Un homme et son péché. Ce roman, devenu classique, a inscrit dans la conscience linguistique québécoise au moins deux expressions. Le personnage principal, Séraphin Poudrier, n’aime pas dépenser : dans le français québécois, on l’a déjà vu, un séraphin est un avare. Grignon a aussi popularisé une forme de juron, viande à chien.
Ajoutons à cette paire un mot utilisé pour critiquer Grignon : séraphinade.
Bouchard, Serge, Un café avec Marie, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2021, 270 p.
«Le chanoine [Lionel Groulx] avait une peur bleue de l’Amérique et des Américains. Colons, habitants, anti-américains, nous nageons dans la soupe de Claude-Henri Grignon, dans les séraphinades de toutes les versions, censurées ou pas» (p. 37).
Voyer, Marie-Hélène, l’Habitude des ruines. Le sacre de l’oubli et de la laideur au Québec, Montréal, Lux éditeur, 2021, 211 p. Ill.
«Au Québec, en matière de culture, il semble que par ignorance ou incompréhension, on préfère pleurer sur le retrait d’un crucifix ou dénoncer la disparition du jambon dans la soupe aux pois d’une obscure cabane à sucre plutôt que de défendre la pérennité de nos œuvres d’art; tant que nos fèves au lard gardent leur lard et que les séraphinades de Claude-Henri Grignon tournent en boucle à la télé, notre culture restera protégée. Du moins, c’est l’illusion dont on se berce pour dormir en paix» (p. 130).
P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le texte de Marie-Hélène le 6 janvier 2022.
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